lundi 5 mars 2012

Daizu revolution: le miso de kenchan


Les photos de la journée ici https://photos.app.goo.gl/nmvtyAqTERbBZXBb6


Kanazawa san habite à Chiba et cultive avec sa femme Kaoru, les haricots de soja ( dais). kan chan est un designer et il y a un an et demi il a décidé de changer de vie pour cultiver ce qui participe à l'âme japonaise après le riz, les haricots  de soja! 
Son fils de quinze ans Rinpei a décidé d'arrêter l'école et depuis  qu'ils sont "installés " ( c'est quand même très roots , pas d'eau chaude, pas de toilettes raccordées, et pas de chauffage cela va sans dire) il s'occupe admirablement à faire des objets électriques avec ce qu'il trouve autour de lui ( lampes , baffles audio ) et il est vraiment doué, le plus petit  lui, continue l'école .
Kan chan est, comme beaucoup de japonais que je connais,  conscient de la gravité de la situation mais ne veut pas fuir devant sa part de responsabilité .
Il essaye plutôt de proposer à son niveau un mode de vie pour lequel moins d'énergie sera necessaire et il est également très proches des projets liés à la culture du chanvre censé nettoyer les sols de la radio activité . Il est lui même en train de demander une license afin de tester in situ ce qui pourrait devenir l'espoir du Japon.

Il y a 200 espèces de haricots de soja et en arrivant  je vois Yuko et son amie , écosser les graines de petits haricots noirs séchés ( mini kuro mame).
Aujourd'hui on fait le miso et hier c'était la récolte du shoyu ( sauce de soja) que nous fait goûter kaoru.
Pour le shoyu on prend des haricots de soja que l'on fait bouillir , on ajoute du koji de blé ( mugi koji ), le koji est un riz pré fermenté auquel on ajoute du sel, de l'eau et tous les trois jours on remue... pendant 8 mois et c'est prêt.
Alors c'est sûr c'est du boulot mais c'est vraiment une tuerie , cela n'a juste rien a voir avec ce que l'on achète , l'umami nous éclate en bouche.
Kaoru s’occupe à temps plein des daizus et les vend sur les marchés, ils font également fabriquer du nattou dans une entreptrise de Miyagi dont la bactérie est très bonne. Ils font ce nattou avec 3  vérités qu'ils cultivent.
Sinon il font aussi un peu de millet qu'ils font sécher à l'ancienne dehors.
De l'été à l'automne ils cultivent  les edamame, ( jeunes haricots encore vert que l'on fait bouillir  pour les déguster avec un peu de sel). On peut aussi en faire à  partir des kuro mame.
et pour faire du kuromame cha ( tisane de kuromame)  on fait sécher les kuro mame deux mois et ensuite on les torréfie.

Au déjeuner c'est le sake kasu de saison que l'on retrouve dans tous les plats:
le sake kasu est ce qu'il reste après avoir fait le sake et comme à côté il y a la fameuse distillerie Terrada honke , qui n'utilise que du très bon riz et koji pour leur sake , le sake kasu est aussi excellent.
Donc au menu nous avons pu goûté:
De la kasujiro , miso shiro faite de sake kasu , poireaux, carottes, tofu, gobo, choux, et miso;
Du sakekasu ae salada: carottes , patate douce et daikon bouillis mais encore croquants avec une sauce au beurre de cacahouète et sake kasu ;
des tsukemonos de kikuimo ( entre le gingembre pour la forme et la pomme de terre au goût ) que l'on a fait macérer dix jours dans un peu  sake kasu, mirin et un peu de sake.
Des satsumae imos sucrées et sautées au sésame noir
tout cela accompagné d'un très bon riz moelleux à souhait , ni trop ni trop peu.
 Et au coin du feu de cette chaumière de 150 ans d'âge on s'est vu redevenir  des humains qui partagent ensemble un  repas simple mais succulent , heureux  de vivre !

Ici ils font aussi leur vinaigre de pommes: mixées les pommes pus laisser fermenter une année, et si on met du sucre cela fera du cidre, d'autres y avaient pensé!
et maintenant pour la  recette du miso de kan chan : 
On fat cuire pendant 4 heures au feu de bois ( c'est mieux ) les haricots de soja puis on les égoutte.
dans les daizus il y a de la saponime et on peut se servir  de l'eau pour se laver les cheveux ou en boisson  (quand ils sont bios les haricots sont très sucrés et rendent une eau agréable au goût.) Sinon quand cela refroidit cela forme une gelée dont on recouvr( ait ) traditionnellement les murs des chaumières ( mais comme il n'y en a plus , de chaumières...)
Ensuite on  prend soin de laisser refroidir les haricots avant de les mélanger à la Koji afin de ne pas laisser  les bébêtes mourir .

Au japon selon ls régions on utilise du koji de blé ( mugi ) plutôt dans les régions chaudes et du koji de riz , dans les régions plus froides.
Les proportions sont pour un kilo de haricots secs ( trempés une nuit et bouillis) :
entre 350 et 400 gr de sel / 1 kg de koji / 5à g de miso déjà fait pour aider les bébêtes à se reproduire mais ce n'est pas obligé)
On peut aussi choisir entre la genmai koji ( riz complet fermenté) ou koji de riz blanc.
On mélange le sel avec la koji en effritant bien les grains puis on ajoute les daizus et on mélange bien à la main pour que nos bébêtes se mélangent aux bébêtes de la koji.
On met ensuite cette préparation dans une machine à steak recyclé pour la bonne cause  ( si on est un professionnel)  sinon un presse purée peut faire l'affaire.
On récupérer la pâte et on fait des boules que l'on place au fond d'un grand sceau.
On prépare un bac dans lequel on met un plastique et on jette littéralement les boules dedans afin qu'elles s'écrasent sans laisser passer d'air. Entre deux rangées on appuie à la main pour bien tasser. et on continue le lancé de boules!
On ferme bien son sac en entortillant bien le haut du plastique qui doit dépasser et on y met dessus un sac de plastique renfermant du sel, ceci pour éviter la moisissure qui se forme au contact de l'air.
On conserve le miso toujours à moins de 26 degrés afin d'éviter un développement excessif des bactéries qui le rendrait trop fort.
Pour faire du shiro miso on met 30 pour cent de koji en moins et on conserve le miso au frais pour arréter la fermentation dés qu'il est prêt.
On laisse fermenter en moyenne un an mais il y a des miso de trois ans plus fort en goût.
En gros le miso c'est comme le fromage , il y en a autant que de région ,et chaque artisan sortira un miso différent.

Le 18 mars prochain il y a la fête de la fermentation à Shimousa kozaki "okura festa" qui rassemble chaque année 40 000 personnes , tous fan de fermentation et de tradition.
Cette fète a été initiée je crois par Terrada honke , également basé dans la région et très connu auprès des férus de bon sake !

Kanchan m'explique que le Japon est le pays de la fermentation qui de fait rend la nourriture vivante ( grâce aux bébêtes!).
On fait le miso en hiver quand la nature hiberne , au printemps ça se réveille et les bebètes aussi , en été c'est la fète avec un taux d'humidité de 70 pour cent qui multiplient les bactéries , en automne on se calme et en hiver dodo.
Cette vague des saisons donne le bon goût à la nourriture fermentée, encore aujourd'hui , base du repas japonais ( nattou, shoyu , miso).
C'est certainement parce que la fermentation existait tait déjà avant l'arrivée du bouddhisme que la notion de nourriture vivante est si bien "cultivée" au Japon .

Ici un article ( anglais)  écrit en novembre 2011 sur le mouvement de Daizu revolution et l'association Toziba



Faire son marché à kamakura




C'est pour ce marché que j'ai déménagé il y a trois ans à Kamakura sans savoir qu'il m'amènerait à reconsidérer complètement ma notion de l'argent!

Faire les courses pour donner un cours de cuisine ou un buffet , en profiter au passage pour se nourrir puis avec l'argent reçu choisir les légumes qui me permettront de transmettre dans le plaisir , a donner un tout autre sens à celui que je donnais à l'argent.
C'est tout bête mais avec les marchés on rencontre les gens qui ont planté les graines des légumes , en discutant avec eux on se rend compte qu'il faut 3 mois pour celui ci, moins pour celui là, que cette semaine il a fait trop chaud donc les potirons c'est fini, on s'inquiète avec eux des prochaines gelées , bref on est en live et quand on se rend vraiment compte de tout le travail et de la nature et des hommes qui on aidé cette salade à arriver là , et bien on ne la regarde plus pareil sa salade et on est content de la payer !
" Faire " de l'argent avec pour objectif de le "garder" est un concept qui me semble très dangereux et contraire au rythme de la vie , le recevoir en sachant qu'il nous ait donné pour le faire circuler en toute liberté de conscience est à la fois une grande responsabilité et un grand privilège .
Choisir de donner ce qui va permettre à d'autres de continuer leur travail après que l'on m'ait donné l'occasion de faire le mien me donne une place essentielle dans le monde, celle de le créer, ou en tous les cas d'influer sur la direction qu'il prendra ;
Et si je m'autorise quelquefois, quand je ne m'aime pas , à acheter de la nourriture industrielle déconnectée des hommes et de la nature et bien c'est justement parce que je ne  m'aime pas et  je sais que dans ce cas je n'arrange pas non plus les affaires du monde ! 
Tout est lié et j'ai le choix de continuer le flux de la vie ou de l’arrêter , mais surtout surtout d'entre consciente , ce qui est déjà pas mal.
et ça c'est à kamakura que je l'ai appris !